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"Consultant expert en obésité"

DOWITHBEA MAG

Avec Béatrix de Lambertye

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Mes différentes expériences, mises bout à bout, m’ont amenée à réfléchir et à créer une profession qui serait « CONSULTANT EXPERT EN OBESITE ».

Les chirurgiens sont au top de leur art dans la chirurgie bariatrique. On ne peut pas leur demander plus. Sauf qu’ils se retrouvent face à quelqu’un à qui on va faire une première chirurgie pour qu’il perde du poids et qui va en reprendre. Alors on va lui proposer une seconde chirurgie, nouvelle perte de poids, puis plus tard, nouvelle reprise… Donc on pratique une 3ème intervention, parce que la reprise de poids est inéluctable, on le sait aujourd’hui, Voilà on en est là.

Les médecins, à part peut-être 5% d’entre eux, ne savent pas que l’obésité est une maladie chronique. Ils peuvent avoir des mots violents, du type « bouge-toi le popotin » ou « mange moins ». Alors qu’on sait que ce n’est pas le problème. La plus grande maltraitance vécue par les patients obèses se passe dans le milieu médical.

Et donc, le consultant expert en obésité serait-là pour dénouer ce malentendu auprès de tous les professionnels de santé : médecins, infirmiers, diététiciens, kinés, mais aussi assistants sociaux, professeurs des écoles ou de sport… pour aider les personnes obèses à aller mieux. Pour aider la relation patient-soignant, leur permettre de comprendre la problématique, de mesurer la dimension chronique de la maladie, d’être bien au fait des causes psychologiques et au-delà du corps et du bistouri, identifier là où on peut aider la personne. C’est un début, donc il y a du travail ! Ma prétention c’est que si on se comprend mieux entre patient-soignant, on aura moins de personnes en situation d’obésité.

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Tout cela est né d’une grande prise de conscience sur moi-même

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J’ai soif de justice ! J’ai un profil atypique, parce que j’ai commencé à travailler à 20 ans et j’ai eu mon premier diplôme universitaire à 43 ans. D’abord un master en logistique internationale, où j’ai découvert que j’aimais apprendre ! Donc j’ai continué avec un DU en criminalistique à la fac de médecine, puis j’ai fait de la victimologie. C’est là que j’ai découvert le syndrome post-traumatique. Ensuite j’ai fait un DU d’Accompagnement Professionnel, qui m’a fait renouer avec des choses que j’avais déjà apprises. Mon mémoire du DU de Victimologie portait sur « Les conséquences de 400 ans d’esclavage noir et de ségrégation aux États-Unis ». Parce que tu vois pour moi la discrimination, la stigmatisation c’est immonde !

J’ai découvert que j’étais moi-même, discriminée, cela a été un choc culturel ! Oui parce qu’après avoir passé tous ces diplômes, j’ai voulu retourner vers l’entreprise par la grande porte, je voulais des postes de cadre, avec des responsabilités. Lors de l’entretien au téléphone, cela allait très bien… et de visu, silence radio, aucune question, et après on me disait que mon profil ne convenait pas alors qu’on avait sélectionné mon cv J’ai rencontré le sociologue Jean-François Amadieu, qui m’a dit « madame, c’est ce qu’on appelle le plafond de verre, et il s’est appliqué à vous. Votre apparence dérange l’entreprise ; en tant que cadre, vous ne pouvez pas la représenter ». J’avais de la sympathie pour les personnes que je voyais souffrir à cause de la discrimination, tout à coup j’étais dans la barque avec elles en train de ramer ! J’ai mis 2 ans à m’en remettre.

J’ai fini par me résoudre à faire une chirurgie bariatrique, car j’avais du mal à monter les escaliers à cause de mes genoux. Et j’ai perdu 40 kg ! Bien ! Mais je suis rentrée dans la quatrième dimension. J’ai vu un monde médical pour partie très mal traitant. Mon chirurgien enlevait 2kg sur la balance en me disant, oui c’est pour les vêtements. Et le jour où j’ai repris du poids il a arrêté d’enlever les 2kg. Je le lui ai fait remarquer et il a été fou de rage. Parce que du coup je n’avais pas repris 3, mais 5kg… J’ai trouvé ce comportement très choquant.

J’ai fait ensuite des chirurgies réparatrices et j’ai eu des difficultés. Comme une réaction allergique aux fils de suture et je me suis retrouvée avec une grosse plaie. C’est une chirurgie qui fait tout le tour du corps. On appelle cela « body lift ». On t’enlève de la peau tout autour et on raboute tu vois, puis on recoud. Cela a été la chirurgie la plus difficile que j’ai vécue. J’ai perdu beaucoup de sang, on a dû me faire une transfusion. Une amie m’a rendue visite chez moi et m’a dit « alors ça va tu es rentrée de la guerre ? ». Je ne m’en étais pas rendu compte, mais oui finalement c’est ça, c’était la guerre.

Parce qu’on est face à deux maladies chroniques ! l’obésité et le trouble du comportement alimentaire. On sait que ce sont des maladies aujourd’hui… Des maladies dans le cadre desquelles on peut s’infliger volontairement des blessures physiques.

QUELS TRAITS DE CARACTERE POSSEDIEZ-VOUS ENFANT QUI SE RETROUVENT, SELON VOUS, CHEZ UN ENTREPRENEUR ?

Je n’abandonne pas facilement, je suis très persévérante curieusement. Je dis curieusement car j’ai longtemps pensé que je ne l’étais pas. Mais en fait si je le suis… Très résistante et résiliente !

ET AVEZ-VOUS UNE ANECDOTE A CE SUJET ?

Et une anecdote : J’ai survécu à ma 1ere année d’école !

En fait je suis allée pour la 1ere fois à l’école en classe de 5ème, ce qui n’est pas l’expérience de tout le monde. C’est ma mère qui nous enseignait avec des cours par correspondance. Et puis j’ai atterri dans un univers qui était totalement étrange pour moi, qui était l’école ! Je me suis retrouvée dans une classe de 30 filles d’une douzaine d’années, et cela a était un choc culturel d’une très grande violence.

Parce que j’ai pris conscience du concept de différence.

Je n’étais pas « pareille » à tous les niveaux. Je vouvoyais mes parents, je ne connaissais pas leur âge car, non, cela ne se disait pas chez nous… Et j’ai pris conscience aussi de ce que c’était d’être « mal vu »… A l’époque il existait des classes dites de transition. J’étais copine avec Suzy, une fille en classe de transition. Elle était mal considérée, montrée du doigt, sauf que c’était ma copine, elle était gentille avec moi.

Depuis toujours je ne trouve pas normal de traiter les gens différemment, quelle qu’en soit la raison. Je n’ai jamais admis cela, et à l’intérieur de moi, il y a un profond besoin de justice et d’équilibre.