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« C’est toujours l’amour qui parle »

On le connaît pour l’image excentrique et joviale qu’il véhicule à la télé, notamment dans Le Grand Cactus. Personnalité populaire, le chroniqueur et relookeur David Jeanmotte est surtout et avant tout un homme de cœur et un altruiste.

Rencontrer David Jeanmotte, c’est rencontrer un soleil. Un être humain doté d’une bienveillance, d’une générosité et d’une bonne humeur à toute épreuve. Lui qui a déjà vécu mille vies sème des paillettes dans celle des autres. Conversation en toute transparence avec quelqu’un de bien… et qui fait du bien.

Comment te décrirais-tu à quelqu’un qui ne te connaît pas ?

« Je suis un mix entre Cristina Cordula, l’Abbé Pierre et Coluche ! Cristina Cordula, pour le côté mode et relooking, l’Abbé Pierre pour la générosité et le fait de faire du bien autour de moi. Et Coluche, pour son côté trublion, amuseur public mais qui a aussi la faculté de mettre des choses en action. »

Comment te considères-tu, toi ?

« À la base, je suis mi-garçon mi-fille à l’intérieur de moi. C’est pour ça que le relooking est un travail extraordinaire pour moi. Il me permet d’avoir la même discussion avec les personnes qui pensent féminin, qu’elles soient filles ou garçons, peu importe. L’autre avantage c’est que étant migarçon, je peux aussi communiquer avec les grands mâles alpha et ça se passe super bien. Depuis que je suis jeune, j’ai toujours été dans cette différence-là. »

Comment cela ?

« Je suis toujours resté avec des filles, surtout des amies Algériennes d’une même famille jusqu’à l’âge de 18 ans. On était toujours ensemble. À l’âge de 13 ans, à la puberté, leur papa ne voulait plus que je les rencontre : il avait peur que je sois attiré par elles, hormonalement parlant. C’est à partir de là que j’ai laissé pousser mes cheveux, que j’ai commencé à me maquiller : je voulais être intégré dans cette famille et ne pas quitter mes amies. Ça a été le déclic. J’ai vraiment eu besoin de côtoyer mes amies sinon je savais que j’allais me sentir exclu pendant que les autres, entre garçons, jouaient au foot. Moi c’était un domaine qui ne me convenait pas du tout : je n’y avais aucun repère. »

Tu dis que ça a été le déclic. Que s’est-il passé ensuite ?

« À l’âge de 15 ans, j’ai rencontré Cathy, avec qui je suis resté 23 ans. On a passé des moments délicieux ensemble. Quand on s’est mis ensemble, elle a vu que j’étais différent et c’est pour ça qu’elle m’a aimé, et qu’on s’aime encore, que je l’aime encore. Elle m’a toujours dit : “ Ce que je ne pourrai pas te donner, tu iras le chercher ailleurs ”. Je n’ai jamais été le chercher ailleurs parce que j’avais trouvé mon équilibre avec elle, même si je ne correspondais pas aux normes. »

Ça t’a valu des remarques ?

« Oui, et des injures de non-identité par rapport à la gent masculine. J’avais les cheveux longs jusque dans le dos, je me maquillais, je ne rentrais pas dans une case. Je n’ai d’ailleurs jamais été dans une case. En fait, on peut me mettre dans plusieurs cases en sachant que mon identité a toujours été pareille. J’ai toujours été attiré par l’homme et par la femme. Je ne me suis jamais senti ni plus homme ni plus femme. Je suis avec Guillaume mon compagnon depuis 10 ans et avant cela, je suis resté avec Cathy durant 23 ans. C’est pas être hétéro, c’est pas être bi, c’est juste l’amour qui parle. Il n’y a pas de limitation dans l’amour. En amour, pour moi, tout est pareil. La différence, je ne la connais pas. Moi, je n’ai aucun besoin de connaître le statut ou le pedigree de la personne. Ce qui m’intéresse, c’est la couleur de l’âme. »

Tu vois toujours la personne et rien d’autre ?

« Oui. Pour moi, chaque personne est unique, qu’elle soit jeune, âgée, quel que soit son type de peau… Moi j’ai des cheveux bruns et je les ai toujours décolorés en blond, j’ai une peau très blanche donc je me suis toujours maquillé. C’est en fonction de ce dont on a envie. À partir du moment où on est bien avec soi-même, où on se connaît bien, toutes les portes sont ouvertes car on dégage de bonnes ondes. Quand il n’y a pas de faux-semblants, que l’ on est vrai et que l’on exprime ce que l’on est, je peux vous assurer que la vie sera toujours belle. C’est le cas de la mienne. »

On te voit toujours avec des looks extravagants. D’où vient cette envie ?

« Tu sais, quand j’arrive au Grand Cactus avec une fois des lentilles, une fois des lunettes, des cheveux longs ou un chignon, des extensions, des bas résille ou des talons rouges vernis et qu’on me dit : “ David, tu sais qu’on a déjà reçu des messages de gens qui critiquent… Tu vas encore t’habiller comme ça ? ” Je réponds : “ Oui, je vais encore le faire parce qu’il faut que les gens comprennent qu’on fait ce qu’on veut et que notre vie nous appartient ”. »

Tu essaies de faire passer des messages ?

« Ce n’est pas que j’essaie de faire passer des messages, c’est que quand je suis là, je fais en sorte que des choses que je ne fais pas au quotidien deviennent une habitude. Comme MTV, qui, à l’époque, en choisissant de diffuser des clips et des éléments de la culture rap, a permis d’atténuer un peu le racisme ambiant. En fait, c’est souvent grâce à une tendance qu’elles vont imprimer ou au côté fun qu’elles dégagent que les personnes qui s’expriment peuvent faire évoluer les choses. »

On le sait moins, mais tu es très actif dans le secteur social. Ça vient d’où ?

« Ma philosophie de vie, je l’ai depuis mon plus jeune âge mais elle a évolué. On me disait : “ David, tu es différent.” On te le dit mais toi, tu ne sais pas pourquoi. Parce que toi tu es toi… Je me ramassais des claques. Ça me touchait parce que je me demandais pourquoi je recevais une claque alors que je ne faisais de mal à personne ?

Ma réaction, ça a été de me dire que j’allais commencer à faire des choses positives pour tout le monde. C’est ma mission de vie. »

Ça veut dire que tu essaies d’être utile ?

« Je n’essaie pas, je suis utile. En fait, je me suis rendu compte que quand on est populaire et qu’on connaît des gens aisés, on peut aider les autres. Parce que souvent, la pauvreté reste avec la pauvreté, l’argent reste avec l’argent. Alors moi, je sers d’intermédiaire, de passerelle entre les deux. Ma grande cause, c’est les Restos du cœur. C’est aider les gens tous les jours. »

Concrètement, que fais-tu ?

« Tout ce que je fais dans ma vie, tout l’argent que je récolte, sert pour les autres. On a ouvert une boutique de dons, dans laquelle de nombreux vêtements sont disponibles pour ceux et celles qui en ont besoin. Avec les Restos du cœur, on aide à nourrir et à loger de nombreuses personnes. Quand quelqu’un vient me parler et qu’il a un problème, j’essaie toujours de l’aider. Ce que je fais aussi avec mes amis et les personnalités que je connais, c’est organiser des repas pour des migrants ou d’autres personnes dans le besoin. Grâce à tout ça, on montre que c’est possible. Imagine une personne qui s’occupe naturellement, sans effort, de 5 personnes durant sa vie. Fais le calcul et vois ce qui va se passer. Imagine comment tu peux changer les choses! À nous deux, Guillaume et moi, on s’occupe de 800 personnes. »

Sans compter toutes tes activités…

« Je donne des cours dans l’industrie textile (de relooking et conseil en image) et je donne aussi des formations à des demandeurs d’emploi en réorientation professionnelle. Il y a aussi des ateliers relooking pour des femmes en prison… J’essaie toujours de valoriser chacun, chacune, dans son identité. Parce que chaque personne peut apporter quelque chose à l’autre grâce à son identité. »

C’est quoi ta force ?

« Je suis un caméléon. Que ce soit avec de hautes autorités ou avec des SDF de la gare centrale , c’est pareil, je suis à l’aise de la même façon et n’ai aucun problème à être avec une personne qui est différente de moi. Par contre, certaines personnes peuvent être mal à l’aise lorsqu’elles me rencontrent… »

Tu n’es jamais fâché ou choqué ?

« Jamais. Je suis en colère par rapport à la violence mais je sais qu’elle est là, qu’elle existera toujours. Alors je me concentre sur ce que moi, je peux faire. »

Comment s’est construit ton rapport aux autres ?

« Ça remonte à ma jeunesse. Je suis beaucoup allé dans des clubs naturistes avec mes parents . Donc le corps, je l’ai vu dans tous ses états, petit, beau, atrophié, très vieux, malade… L’œil que je porte sur quelqu’un est toujours positif parce que mon œil est habitué à tout voir et que je n’ai jamais eu un regard ni excité ni envieux. Je vois vraiment l’être humain tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts. Y a pas de costume, pas de carte de visite et ça change tout. »

Tu portes un t-shirt avec la phrase « Masculinity is a prison ». Pourquoi ?

« C’est un message fort. Parce qu’au-dessus de du mot masculinité, tu peux mettre ce que tu veux. Il y a toujours ce côté emprisonné. C’est un t-shirt de propagande pour dénoncer l’enfermement de l’homme qui veut être homme avec ses poils, sa barbe, qui ne doit pas mettre du rose, pas être féminin, sinon il ne rentre plus dans la case du mâle alpha. »

Que devrait-on faire pour favoriser la diversité ?

« Montrer les choses pour que ce soit normal. Attention, il ne faut pas être dans le voyeurisme, mais dans l’action. Plus on va montrer les choses telles qu’elles sont, plus les gens vont s’habituer et trouver ça normal. La diversité, elle est extraordinaire car si il n’y a pas de diversité, on s’emmerde ! » 

Smart Fact.

Qui admires-tu ?

« Je n’admire personne. Par contre, il y a une phrase qui me guide et qui a changé ma vie. C’est une femme magnifique avec un rayonnement incroyable qui me l’a dite un jour en me racontant une histoire : une femme se présente devant le Dalaï-Lama et elle est très heureuse de le rencontrer. Elle parle, lui explique qu’elle a fait ceci, cela, tout ce qu’elle a réalisé. Quand elle a fini, le Dalaï-Lama lui demande : “ C’est bien, tout ce que tu as fait. Et toi, qu’est-ce que tu as fait pour les autres ? ” Cette phrase résonne dans ma tête… D’ailleurs en te le racontant, je suis tout ému. Parce que ça, c’est mon cheval de bataille. Je me suis toujours dit que le jour où je verrai le Dalaï-Lama, je lui raconterai tout ce que j’ai fait pour les autres. Tout ce qu’on a fait, parce qu’il y a mon compagnon, et plein d’autres gens merveilleux qui m’aident. »

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