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Comment inclure sans exclure ?

C’est un vrai débat et un réel casse-tête : comment écrire afin que personne ne se sente exclu ? C’est l’objectif de l’écriture inclusive : permettre à tout le monde de se reconnaître et de se sentir concerné. Pourtant, le français a du mal à trouver la solution qui met tout le monde d’accord. Rédiger sans discrimination, ce n’est en effet pas si simple.

La langue influence fortement notre manière de voir le monde, de penser et d’agir. Voilà ce que pointent les partisans et partisanes de l’écriture inclusive. Selon eux, cette vision se construit à travers un prisme prioritairement masculin et cela aurait des conséquences importantes, finissant par invisibiliser les autres genres par rapport à l’idée que l’on se fait de la société. D’où l’idée d’une écriture inclusive pour établir des relations plus équitables entre les genres.

Comment traduire cela dans toute notre communication ?

Le français, avec ses déterminants et ses adjectifs qualificatifs qui s’accordent en genre et en nombre, ne facilite pas la tâche de l’écriture inclusive. Ce phénomène s’accroît quand il s’agit de tenir compte de particularités qui peuvent être discriminantes. C’est ce qu’ explique Alicia Novis, experte en Genres et Communication, chargée de mission auprès de l’ONG Le Monde selon les femmes : « Quand on travaille les questions d’égalité, on travaille d’abord les savoirs-être et ça se traduit en savoirfaire et en comment communiquer. C’est essentiel car on ne peut pas figer les usages et les pratiques. »

Inclure tous les publics

La question de l’écriture et de la communication inclusive en français va bien au-delà du fonctionnement des genres grammaticaux et de la visibilité des femmes dans la langue. Elle concerne aussi la lisibilité et l’accessibilité des textes pour tous les publics : personnes LGBTQIA+, personnes handicapées, origines ethniques différentes… bref toute la diversité visible et invisible. Et c’est là que le casse-tête commence. En effet, la langue étant le reflet de la société, elle véhicule de nombreux clichés et peut donc être sexiste, discriminante… souvent sans qu’on le veuille d’ailleurs.

Pour Alicia Novis, c’est donc un mythe de penser qu’on va arrêter les stéréotypes : « L’esprit humain est construit avec des stéréotypes, c’est ce qui permet de catégoriser le monde. Un stéréotype n’est pas mauvais en soi, il faut juste qu’il ne bascule pas vers le préjugé puis vers la discrimination. Pour couper ce basculement, la place de l’éducation est primordiale ».

— ALICIA NOVIS EXPERTE EN GENRES ET COMMUNICATION

Est-ce là le seul enjeu de la communication inclusive ? Anne Dister, linguiste, Professeure à l’Université Saint-Louis et coauteure du livre “ Inclure sans exclure ” nuance : « L’écriture inclusive se base sur le présupposé selon lequel le masculin invisibilise toujours, dans tous ses contextes d’emploi. C’est faux. Quand on parle des étudiants ou des enseignants, il faut être d’extrêmement mauvaise foi pour penser qu’en 2023, en Belgique, on ne parle pas aussi des femmes. Par contre, pour les métiers manuels par exemple, dire “ les maçons ” peut occulter le fait qu’il y a aussi des maçonnes. Mais c’est notre connaissance du monde qui oriente d’abord notre interprétation. Si je pense que les sidérurgistes sont des hommes et les manucures des femmes, ce n’est pas parce que ces mots sont au masculin ou au féminin, puisqu’ils ne sont pas genrés. C’est à cause de ma représentation de ces catégories socio-professionnelles. Et là, il y a bien un enjeu, à travers la langue, à représenter la diversité des genres. Mais il y existe aussi un autre enjeu, c’est celui d’un français appropriable, accessible. Un écrit qui ne se complique pas. »

L’écriture inclusive est un processus

Et au final, c’est bien de cela qu’il est question : que toute personne se sente incluse dans les propos. On parle par exemple beaucoup du fameux point médian, qui n’est pas apprécié de tout le monde, car jugé illisible. En réalité, il y a plein de façons de rendre la communication inclusive, pour autant que tout le monde comprenne évidemment, car, toujours selon Anne Dister : « Ce sont les populations les plus faibles qui ont du mal avec l’écrit. C’est un vrai enjeu démocratique d’avoir des textes faciles à lire et compréhensibles. »

Alors comment faire au quotidien ? Par où commencer ? Pour les linguistes, quelques suggestions simples peuvent contribuer à adopter de bonnes pratiques pour une écriture non-genrée. La preuve avec ces pistes facilement applicables. 

4 Bons R Flexes Adopter

Premier réflexe : réfléchir à qui, quoi, quand, où, pourquoi. Autrement dit, penser à qui s’adresse mon texte et comment inclure le plus de gens possibles (les femmes, les personnes non-genrées, les mal voyantes…). Ensuite, adapter le support sur quel sera diffusé le message ? Comment privilégier la lisibilité et la clarté tout en étant inclusif ? Car alourdir un texte, c’est empêcher certaines personnes de le comprendre. Deuxième réflexe : s’adresser à tout le monde sans universaliser. Écrivez « L’équipe formatrice » plutôt que « Les formateurs ».

Troisième réflexe : recourir au dédoublement, plutôt qu’au masculin universel. Écrivez donc « Le formateur ou la formatrice doit… » au lieu de « Le formateur doit ». Quatrième réflexe : utiliser des formules englobantes avec des termes épicènes quand c’est possible. Un mot épicène désigne un être animé non genré, qui peut être employé au masculin et au féminin. Par exemple : membre, personne, adulte, artiste, responsable…

Comme on le voit, il n’y a pas une mais plein de manières de pratiquer la communication inclusive.